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Les méthodes de suivi des grands prédateurs en France : exemple du loup

Description rapide des outils de suivi utilisés dans le cadre de la gestion du loup en France. Voir descriptif détaillé

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12 mars 2013 par : Pierre JULIÉ (Éducateur scientifique)

Cet article vise à décrire plusieurs des techniques scientifiques utilisées pour assurer le suivi des grands prédateurs, il s’appuiera sur l’exemple du loup en France.

Pour suivre un animal il est souvent nécessaire de connaitre certaines de ses caractéristiques comportementales et de ses conditions de vie (Mech & Boitani 2010). Par exemple, le loup est un animal qui emprunte des chemins simples et faciles d’accès (route forestière, bords de fossé et de buisson…) et il s’établit de préférence dans des espaces sous couvert forestier.

Ces données éthologiques permettent déjà de définir des zones favorables à la prospection d’indices de présence ou des points de départs pour la recherche télémétrique.

On peut diviser les techniques de suivi en deux catégories :

- La première regroupe les méthodes dites de suivi indirect , l’animal y est suivi grâce à des indices laisser sur son passage (crottes, empreintes, carcasses consommées…).

- La seconde quant à elle permet de suivre directement la progression de l’animal souvent grâce à la télémétrie (GPS, VHF, Argos) ou au piégeage photographique, ce sont donc les méthodes de suivi direct .

Les méthodes de suivi indirect :

Ces méthodes ont l’avantage de ne pas être couteuses car ne nécessitant presque qu’une bonne paire de chaussures. En effet lors de la mise en application de ces méthodes, le prospecteur va suivre un parcours tout au long duquel il va chercher des indices du passage du loup.

1.Les excréments :

Les crottes de loup sont d’une taille similaire à celle des grands chiens. Cylindriques, se terminant par une courte pointe et dégageant une forte odeur, leur contenu est représentatif de leur régime alimentaire. On y trouve généralement des poils et des bris d’os, notamment de grands ongulés.

Les crottes, comme l’urine, servent à marquer le territoire, on les trouve donc ainsi à des endroits stratégiques de celui-ci.

Toutefois la distinction avec des crottes de chiens qui auraient le même régime alimentaire est impossible sans une étude génétique (Suberbielle 2006).

Feces de loup, trouvée dans les Pyrénées Orientale, hiver 2012 © Norbert Delmas

2.Les poils :

Le suivi par les poils se fait à l’aide de pièges à poils, généralement des bouts de fils barbelés accrochés sur le tronc d’arbre sur lesquels l’animal va venir se frotter. Ces poils peuvent aussi être retrouvé au sol, le loup ayant tendance à ce rouler par terre.

Les poils « prisonniers » peuvent par la suite être analysés par une étude génétique ou au microscope en examinant les écailles du poil. Une fois de plus, en utilisant cette dernière technique la différenciation chien / loup est quasiment impossible sans l’aide de la génétique.

3.Les carcasses de proies :

Les marques laissées par le loup sur une proie sont assez caractéristiques. Il laisse en général des traces de morsure au cou, qui permettent notamment de mesurer l’écartement des mâchoires propres à un grand prédateur. Ainsi que d’autres morsures à la croupe et au dos.

Le loup déchire en général tout un coté de l’animal, arrachant le membre antérieur, les muscles dorsaux et du membre postérieur. Le dépeçage par un chien est moins méthodique (Suberbielle 2006).

Chamois tué et consommé par le loup.
Photo : © Parc national du Mercantour

4.Les empreintes :

Les empreintes d’un loup se distinguent assez mal de celle d’un chien de moyenne ou grande taille, en général l’empreinte des doigts est plus allongée, l’ensemble a un aspect plus « écarté ». Ces caractéristiques sont assez théoriques, dans la pratique cela dépend énormément de la nature du sol (sable, boue, neige…) sur lequel l’animal se déplace.

L’examen d’empreintes isolées peut parfois permettre d’écarter le loup mais ne permet pas de le différencier de l’empreinte d’un grand chien.
Une chance de pouvoir faire la distinction entre chien et loup est de pouvoir suivre une piste, sur plusieurs dizaines voire centaines de mètres. Ceci suppose de bénéficier d’excellentes conditions, la plus pratique étant de suivre une piste dans la neige.

Une particularité morphologique du loup : sa cage thoracique est plus étroite que celle du chien. Au pas ou au trot, le loup ramène ses membres sous le corps ce qui a pour conséquence de laisser bien visible sur la neige une piste rectiligne avec des empreintes parfaitement alignées.

Le nombre de pistes est également important. Les loups peuvent se déplacer seuls ou en meute. Ils se déplacent souvent en file indienne, à la queue leu-leu (l’expression vient d’ailleurs de cette particularité, leu était le mot en ancien français pour désigner le loup) notamment lorsque la neige est abondante. Chaque pas est alors posé dans l’empreinte de l’individu de tête, ainsi ceci donne l’impression d’une trace unique parfois pendant plusieurs centaines de mètres voire plusieurs kilomètres. Elle peut cependant se séparer de façon étonnante et laisser apparaître la présence en réalité de deux loups et plus.
L’étude du réseau de piste peut même être utilisée pour donner une estimation du nombre de loup dans une zone (Patterson et al. 2004).

Empreinte de loup © Thierry Dacko

Les méthodes de suivi direct :

Hormis le piégeage photographique, toutes les méthodes de suivi direct sont basées sur la télémétrie. Ces dernières reposent sur le même principe, c’est-à-dire, l’émission d’un signal électromagnétique à une fréquence définie détectée par un récepteur accordé à celle-ci.

Il existe 3 techniques utilisées pour faire de la télémétrie :
- les balises PTT Argos (Keating et al. 1991),
- les GPS (Global positionning system) (Merrill et al. 1998),
- la VHF (Very high frequency) (Ballard et al. 1998).

Toutes ces techniques nécessitent de poser sur l’animal que l’on veut suivre un collier qui va émettre la fréquence qui va être suivie.

Les PTT et les GPS, bien que ne fonctionnant pas sur le même principe, permettent de connaitre la position de l’animal grâce à une localisation par satellite.

Pour la VHF, le collier émetteur envoi un signal radio détectable par un récepteur mobile. Grâce à l’antenne directionnelle et à une boussole, on détermine la direction depuis laquelle le signal est émis. En répétant cette opération au minimum trois fois, on peut, par triangulation, localiser le lieu d’émission, et donc l’animal porteur du collier. La triangulation permet, à partir d’au moins 3 points de réception localisés sur carte, de déterminer l’emplacement de l’individu suivi.

Schéma explicatif de la localisation par triangulation.
© Pierre Julié
Cliquer pour agrandir

Une autre méthode de suivi mais assez peu utilisée pour le loup (mais qui tend à ce démocratiser) est le piégeage photographique qui consiste en un appareil photographique se déclenchant au passage de l’animal, il est généralement accroché à un tronc d’arbres en face de lieux propices au passage de l’animal.

Les hurlements provoqués :

Les hurlements provoqués ou «  wolf howling  » est une technique utilisée spécifiquement dans le cadre du suivi du loup. Elle permet de confirmer la présence d’un loup en imitant son hurlement. En effet le loup répond au hurlement de ses semblables, notamment pour signaler à un éventuel intrus qu’il entre dans son territoire.

Ces opérations sont généralement faites en été et permettent de confirmer la reproduction, période durant laquelle on peut distinguer les jappements des petits des hurlements d’adultes (Bulletin du réseau loup/lynx « Quoi de neuf » n°12 et 15).

Conclusion :

Le suivi des grands prédateurs est aujourd’hui essentiel afin de mettre en place une gestion raisonnée de ses populations d’animaux, qui sont sujettes à des débats animés, c’est le cas du loup et de l’ours en France et dans une moindre mesure du lynx.

Toutes ces techniques y participent, elles sont la plupart du temps couplées à des analyses génétiques qui permettent d’identifier les individus.

En France, la récolte d’indice de présences est réalisée par des réseaux de personnes, volontaires, personnels de l’office national des forêts (ONF), de l’office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) qui transmettent et centralisent ses indices à l’ONCFS pour confirmation et analyse.

L’utilisation de ces techniques est complémentaire : en effet, n’utiliser qu’une de ces techniques ne peut pas permettre d’assurer un suivi efficace. En fonction du type d’habitat et/ou de la période de l’année, il est souvent plus intéressant d’assurer l’essentiel du suivi grâce à l’une ou l’autre de ses techniques tout en complétant avec d’autres.

Bibliographie :

- Ballard, W. B., Edwards, M., Fancy, S. G., Boe, S. & Krausman, P. R. 1998. Comparison of Vhf and Satellite Telemetry for Estimating Sizes of Wolf Territories in Northwest Alaska. Wildlife Society bulletin, 26, 823–829.
- Bulletin d’information Quoi de neuf n°12 ONCFS
- Bulletin d’information Quoi de neuf n°15 ONCFS
- Keating, K. A., Brewster, W. G. & Key, C. H. 1991. Satellite Telemetry : Performance of Animal-Tracking Systems. The Journal of Wildlife Management, 55, 160.
- Mech, L. D. & Boitani, L. 2010. Wolves : Behavior, Ecology, and Conservation. University of Chicago Press.
- Merrill, S. B., Adams, L. G., Nelson, M. E. & Mech, L. D. 1998. Testing releasable GPS radiocollars on wolves and white-tailed deer. Wildlife Society Bulletin, 830–835.
- Patterson, B. R., Quinn, N. W. S., Becker, E. F. & Meier, D. B. 2004. Estimating wolf densities in forested areas using network sampling of tracks in snow. Wildlife Society Bulletin, 32, 938–947.
- Suberbielle, E. 2006. Entre chien et loup, de la crotte à l’ADN  : élaboration d une méthode de distinction génétique des deux espèces dans le cadre du retour du loup dans le massif pyrénéen et en France.

Webographie :

- http://www.loup.developpement-durab...

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