Envoyer à un ami

Panthères des neiges : premiers contacts

La panthère des neiges est une espèce remarquable qui joue un rôle clé en tant que prédateur, elle nous renseigne sur l’état de santé de son habitat en haute altitude. Voir descriptif détaillé

Panthères des neiges : premiers contacts

La panthère des neiges est une espèce remarquable qui joue un rôle clé en tant que prédateur, elle nous renseigne sur l’état de santé de son habitat en haute altitude. Voir descriptif détaillé

Menez à bien d'incroyables projets scientifiques !
Des voyages scientifiques qui changent le monde
Des aventures hors du commun, des projets réels pour le développement durable

Accueil > Actions et Journaux de Bord > Références et Supports > Supports Pédagogiques & Techniques > Panthères des neiges : premiers contacts

Je m'inscris

Ajouter à ma WishList

6 avril 2011 par : Anne OUVRARD (Ancienne Responsable du Programme PANTHERA) , Jerome MATHEY (Conseiller Sciences et Pédagogie) , Anne-Lise CABANAT (Responsable du Programme PANTHERA)

Introduction

La panthère des neiges est une espèce remarquable qui joue un rôle clé en tant que prédateur, elle nous renseigne sur l’état de santé de son habitat en haute altitude.

Image recueillie par piégeage photographique dans de réserve de Sarychat-Ertash (Kirghizstan), en juillet 2022 (le fait que la panthère des neiges urine ici témoigne du choix judicieux de l’emplacement du piège photographique), OSI-Panthera

L’espèce est de taille moyenne (environ 60 cm au garrot) avec des pattes courtes et des pieds larges, qui lui permettent une excellente adaptation aux territoires escarpés qu’elle sillonne. Ce félin des montagnes d’Asie centrale pèse aux alentours des 45 kg (un peu plus pour les mâles et un peu moins pour les femelles) et vit entre 10 à 15 ans en milieu naturel. Sa longue queue représente quasiment la moitié de la longueur totale de son corps, allant jusqu’à 1m 05 pour les mâles ! Elle possède une tête large et ronde avec des oreilles courtes et arrondies. La Panthère des neiges est souvent connue du grand public pour son magnifique pellage de couleur gris-blanchâtre ou gris brun, avec des taches (ocelles) gris foncé ou noir, ce qui attise les braconniers (pour la confection de manteaux notamment). Sa fourrure lui permet un camouflage parfait dans son environnement rocheux de montagne (se référer à la fiche espèce de la panthère des neiges : Fiche espèce Panthère des neiges (en cours) ).

Ce félin des montagnes est étroitement lié aux zones écologiques alpines et subalpines, avec des altitudes souvent comprises entre 3000m et 5000m d’altitudes (on peut le retrouver dans certaines zones à des altitudes plus basses environnant les 600 m à 2500m altitudes). Son territoire de prédilection restant les terrains escarpés, ravinés, reculés et inaccessibles avec des falaises et des affleurements rocheux. La Panthère des neiges a donc développé de nombreuses adaptations morphologiques ou comportementales pour vivre dans ce milieu de haute montagne (voir l’article ‘’L’habitat de la panthère des neiges et adaptation à son milieu de vie’’ :
https://www.osi-panthera.org/Habita...

Son aire de répartition s’étend sur une grande partie de la Chine (et notamment le plateaux tibétain), en Afghanistan, au Bhoutan, en Inde, sur une grande partie de la Mongolie, au Kazakhstan, au Kirghizstan, en Russie, au Tadjikistan, en Ouzbékistan et au nord du Népal (dans la chaîne himalayenn et notamment dans la réserve du Langtang). Il est assez difficile d’estimer de manière certaine les effectifs de cette population. Selon l’UICN il y aurait entre 2710 et 3386 individus, selon ‘’ Snow Leopard Working Secretariat’’ ce chiffre s’approche plutôt de 3 920 à 6 390 individus répartis sur 12 pays. Les études les plus récentes (de 2016), indiquent une population plus élevée que les estimations actuelles, autour des 7500 individus selon McCarthy et Mallon. Cette difficulté d’estimation de la population mondiale de Panthère des neiges s’explique par le comportement discret de cette espèce et un habitat généralement assez vaste, reculé dans les montagnes et sporadiques (avec un densité relativement faible). Par exemple, dans la région de Sagarmatha, la présence de la Panthère des neiges a été observée en 2002, après une absence de 25 ans (Lovari et Ferretti 2014). De même, les estimations sur la superficie de son aire de répartition reste assez difficile à obtenir. Les estimations fournies par l’UICN restent donc assez prudentes en donnant une fourchette assez large de répartition comprise entre 1 776 000 km2 et 3 300 000 km2 ( avec un fourchette moyenne de 2.8 millions de km2). Au Kirghizistan la densité de population a été calculée sur la réserve d’État de Sarychat-Ertash, s’élevant à 1,38 individus pour 100 km2 (selon l’UICN et les données de Jumabay-uulu et al. 2014).

Inscrit comme ‘’Vulnérable” sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN (Union International de Conservation de la Nature, Appendix I, 2006), ce grand félin est rare et difficile à observer, d’où son surnom de ‘’Fantômes des neiges’’. Différentes menaces pèsent sur la panthère des neiges : la disparition et la dégradation de son habitat au profit de l’activité humaine, le changement climatique qui impacte la superficie de son territoire et celui de ces proies, ainsi que le braconnage et l’accroissement des conflits locaux (sur les attaques de troupeaux par cette dernière).Pour avoir une protection plus efficace de cette espèce, il est essentiel de mieux connaître son aire de répartition, ainsi que les effectifs de cette population.

Un chiffre alarmant à garder en tête, ces 20 dernières années la population de la panthère des neiges a chuté de 20%. De plus, 25% de l’aire de répartition de ce félin se situe au niveau de 50 km de frontières internationales ce qui complique les démarches de conservation, et la Panthère des neiges étant une espèce en voie de disparition, tout prélèvement de matériel génétique, même de poils ou d’excrément, doit être soumis à une autorisation spéciale de l’Etat concerné (protocole de Nagoya 2014 https://biodiv.mnhn.fr/fr/about/nag...) .

L’un des principaux objectifs est donc de mettre en place un suivi détaillé de la population de ce félin. Cela permettras comme première approche, de mieux définir son comportement dans son milieu de vie. Puis, de mieux appréhender les différentes menaces auxquelles l’espèce est exposée et chercher des solutions pour assurer sa protection. Rappelons que la Panthère des neiges constitue un excellent indicateur de la santé des écosystèmes d’altitude. Peu d’espèces sont en capacité de se développer à des altitudes aussi élevées. Il y a donc un nombre assez restreint d’espèces très bien adaptés, on retrouve l’ibex de sibérie, l’argali, le grand bharal ou des espèces plus petites comme les marmottes, les pikas ou les lièvres ; toutes étants des proies de la Panthère des neiges. Ce félin se situe en haut de la chaîne alimentaire, il est donc dépendant de ses populations de proies. Si les populations des espèces des échelons inférieurs (dans la chaîne alimentaire) se portent mal, les effectifs de Panthères des neiges seront impactées.
Les scientifiques ont mis au point deux méthodes non-invasives permettant de récolter les informations nécessaires à l’étude approfondie de ces grandes timides : la méthode de présence / absence et le piégeage photographique. Ces deux techniques, de plus en plus accessibles avec les améliorations technologiques et faciles à utiliser, permettent de déterminer combien d’individus survivent chaque année, et l’état des populations étudiées. En amont de la mise en place de ces méthodes, un travail approfondi sur leurs comportements, leurs déplacements, leurs habitats est nécessaire…(voir l’article sur l’observation de la faune https://www.osi-panthera.org/Appren... et celui plus précis concernant la construction d’un éthogramme : https://www.osi-panthera.org/Commen... )

Image recueillie par piégeage photographique lors de l’expédition 2022, dans la réserve de Sarychat-Ertash (Kirghizistan), OSI-Panthera

Dans cet article nous allons donc aborder les 2 principales méthodes non-invasives utilisées par nos équipes et nos volontaires sur le terrain, au Kirghizstan et au Népal, pour étudier l’évolution de la population de la Panthère des neiges. Il y sera expliqué la méthode, les différents paramètres qui rentrent en compte, les difficultés rencontrées et les limites de ces méthodes. Ainsi, vous allez pouvoir découvrir le fruit de longues heures de recherches, de patience et de persévérances nécessaires pour la réalisation d’un suivi précis de la population de panthère des neiges, sur nos zones d’étude.
Si vous souhaitez en apprendre davantage sur la panthère des neiges, vous pouvez consulter sa fiche espèce : (en cours)

1. La méthode de Présence / Absence

Le but de cette démarche est d’établir la présence d’une espèce dans une zone particulière, de surface généralement comprise entre 200 et 500 Km2, en se basant sur des signes indirects (empreintes, excréments, grattages,...), directs (observations de panthères sauvages) et sur les témoignages des habitants et chasseurs locaux (Jackson & Hunter, 1996). L’observateur doit être très rigoureux lorsqu’il détermine la nature des indices de présence. Il faut faire attention à bien différencier les indices de chaque espèce, par exemple, il faut être vigilant sur l’identification d’une empreinte, ne pas confondre celle d’un loup (plus petite et de forme différente) avec celle de la panthère. Parfois, l’absence d’indices de présence peut simplement indiquer un échec dans la détermination des signes, et cela peut se produire malgré la présence de panthères dans la zone étudiée. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène (Tableau 1) : La durée de vie d’une trace de passage (indice de présence) dépend de facteurs environnementaux comme la météo, tandis que l’intensité des marquages sociaux (phéromones) dépendra de la saison et de la densité d’individus dans cette zone.

Tableau 1. Facteurs influençant le dépôt de signes et le taux de longévité de ceux-ci chez la panthère des neiges (adapté de Ahlborn & Jackson, 1988 ; Jackson & Hunter, 1996).

Facteurs environnementauxExemplesSuggestions
Saison Le taux de marquage varie selon les périodes de reproduction. Plus élevé à la fin hiver et début printemps Surveillance plus efficace à ces saisons
Type de substrat et type de signe La longévité des traces de grattages et de marquage hormonaux dépend du type de substrat sur lequel ils sont déposés Les excréments sont des traces intéressantes car elles ont une plus grande longévité
Temps (neige, pluie et vent) Cachent ou détruisent les traces La neige cache les traces anciennes mais révèle les récentes. Pluie et vent détruisent rapidement les traces
Présence d’hommes et de bétail Traces altérées par passage des hommes et du bétail Plus de déplacements vers les hautes altitudes fin printemps et été
Organisation sociale et occupation du territoire Les panthères déposent des marques pour communiquer avec leurs congénères Le taux de marquage dépendra de la densité des panthères, de la taille du territoire et de l’organisation sociale
Appareil GPS qui permet d’obtenir les coordonnées géographiques précises pour chaque indice observé (latitude, longitude), crédit : Stéphanie Philippe

La cartographie réalisée à l’aide de cette technique peut alors alerter les gestionnaires de la diminution d’une population, due soit à la fragmentation et dégradation de l’habitat, soit à la chasse excessive des panthères et de leurs proies. Ce genre d’étude a déjà été réalisée sur le jaguar (Panthera onca), permettant la création d’une carte de la répartition historique et actuelle de l’animal et de ses proies (Sanderson et al., 2002).
Afin de déterminer la distribution spatiale des Panthères des neiges ainsi que leur abondance, les aires de surveillance sont généralement divisées en surfaces de 15 à 50 km2 appelées cellules de recherche (la taille variant selon l’abondance des proies dans la région et l’intensité de l’impact humain). Dans chaque cellule, des sites représentatifs sont déterminés et la présence (ou absence apparente) de l’espèce est établie grâce aux signes cités plus haut. Une bonne surveillance implique de relever l’effort fourni, c’est-à-dire le nombre d’heures ou de jours passés à rechercher les signes de présence sur la surface étudiée, mais également les latitudes et longitudes de chaque signe de présence (via l’appareil GPS).

Travail en amont de visualisation de la zone, de repérage des potentiels zones de présences, des informations nécessaires pour la réalisation du transect, de la détermination de l’itinéraire emprunté …, crédit Stéphanie Philippe

Il est donc indispensable de posséder une carte topographique (1:250 000) et d’avoir accès à l’imagerie satellite afin de connaître parfaitement les aires étudiées. [1]

Ensuite des logiciels permettent de calculer le taux d’occupation d’une aire en fonction de la probabilité de détection des panthères. L’UICN s’est notamment appuyé sur cette méthode pour estimer la densité d’individus de cette espèce. Les données de 21 études répartis sur 6 pays ont été recueillies, soit près de 30 000 nuits-pièges. Seuls les individus matures (de plus de 2 ans) sont pris en compte dans les estimations de population. L’aire de répartition de la Panthère des neiges est souvent mal délimitée. C’est pourquoi, il est plus juste de calculer la densité de population à des échelles plus locales, où la répartition de l’espèce est mieux maîtrisée. Karanth & Nichols (2002) ont développé cette technique sur le tigre (Panthera tigris) et MacKenzie et al. (2002 ; 2003) ont créé le logiciel PRESENCE pour analyser les données (téléchargement sur le site de USGS Patuxent Wildlife Research Center, Laurel, Maryland : www.mbr-pwrc.usgs.gov/software ).
On peut estimer que le nombre d’indices de présence trouvées est corrélé avec les effectifs de population et plus particulièrement, avec la densité de l’espèce sur une zone donnée. Plus le nombre d’indices collectés est important, plus le nombre de Panthère des neiges présent sur cette zone sera élevé. Quantités d’indices en relation directe avec la densité absolue peuvent être utilisés comme mesure relative de l’abondance d’une espèce. Les transects durant lesquels sont comptabilisés le nombre d’empreintes, d’excréments, de poils, de grattages ou d’urine relevées, sont largement utilisés pour évaluer la taille des populations de panthères des neiges, notamment dans des secteurs relativement bien définis comme les parcs ou réserves naturelles (Jackson and Hunter, 1996) et l’utilisation du territoire. Le ISLT (International Snow Leopard Trust) a développé un programme informatique permettant de constituer une base de données exhaustive sur les panthères des neiges : SLIMS (Snow Leopard Information Management System). Lorsqu’on réalise un transect, voici les renseignements qui doivent être complétés sous forme de tableau après avoir indiqué précisément les coordonnées de l’aire étudiée, la date, le nombre d’observateurs, l’altitude, le type de terrain traversé, la végétation observée, la présence d’ongulés, l’impact de l’homme sur l’écosystème étudié et la présence d’autres carnivores dans le secteur (prédateurs concurrents).

Tableau 2. Renseignements types lors d’un transect.

Distance parcourueSite N°Observation N°EmpreinteGrattageFècesUrineAge si obs. dir.
1
2
3
4
5
Prélèvement de fèces (excrément) lors de l’expédition dans la réserve de de Sarychat-Ertash (Kirghizstan) en 2022, crédit Mireille Coulon


Indices de présences de type fèces, observés lors de nos expéditions, crédit Mireille Coulon et OSI -Panthera

Ces fèces sont de véritables indicateurs sur les aliments consommés par la panthère. On voit très bien que ces fèces ne sont pas du tout homogènes et que certains aliments semblent être mieux digérés et assimilés par ce félin.


Indices de présences de type empreintes, observés lors de nos expéditions, crédit OSI-Panthera

Les empreintes sont plus facilement repérables sur les terrains meubles : près d’un cours d’eau (sable et boue) ou en hiver (dans la neige).


Indices de présences de type grattage, observés lors de nos expéditions, crédit Fanny Bernard et OS-Panthera

Les grattages de panthère des neiges ressemblent à la méthode utilisée par les chats. En effet, elle gratte avec ses pattes avant et un petit monticule se forme à l’arrière.


Indices de présences de type jet d’urine, observés lors de nos expéditions, crédit OSI-Panthera et Mireille Coulon

La panthère communique principalement par marquages olfactifs, ils délimite leurs territoires via leurs urines et le frottement des parois


Indices de présences de type poils et frottement des parois, observés lors de nos expéditions, crédit Fanny Bernard et Mireille Coulon

Cet indice de présence est sûrement le plus difficile à récolter. Pour espérer recueillir des poils de panthère, il faut chercher le long des parois auxquelles elles se frottent (on peut utiliser les pièges photographiques pour déterminer les parois intéressantes pour l’étude). La Panthère des neiges vient se frotter au parois à des endroits marqués olfactivement (généralement par jet d’urine) par un autre individu de l’espèce. Lorsque ce félin renifle la présence odorante d’un congénère, elle retrousse sa lèvre supérieure pour mieux assimiler l‘odeur (le comportement de flehmen). Une fois l’odeur bien appréhendée, la Panthère va venir à son tour laisser son empreinte odorifique. Ces frottements sont donc des comportements sociaux, pour le marquage de territoire et communication plus généralement.
Après chaque sortie de terrain, les données sont comptabilisées ( un inventaire est réalisé sur l’ensemble des données recueillis durant la journée) afin de déterminer les sites les plus fréquentés et les plus favorables à la poursuite de notre étude.
Pour une surveillance efficace sur le long terme, il est important d’utiliser une méthode standardisée, réplicable et constante entre tous les participants à chaque mission. Cela nous permet par ailleurs, de surveiller l’abondance relative des populations de proie (moutons, chèvres, marmottes...) comme moyen indirect pour estimer la taille potentielle de la population de prédateurs (qui est aussi l’une des missions clés de notre projet).

2. Le piégeage photographique

Ullas Karanth (1995) a été le premier chercheur à utiliser le piège photographique pour des études de capture-marquage-recapture (CMR) sur le tigre. Depuis, cette technique est devenue un outil indispensable en biologie de la conservation pour étudier les espèces rares et/ou très discrètes. Ce système permet en effet de prendre des photos d’animaux sauvages insaisissables en se déclenchant de façon automatique lors leur passage.

On dispose l’appareil, dans une anfractuosité rocheuse par exemple, à proximité de l’endroit où l’on a au préalable repéré les traces d’une panthère. Les Panthères des neiges communiquent principalement par marquage olfactif et par frottement sur des parois remarquables de leurs territoires. C’est pourquoi l’installation de pièges le long des parois rocheuses est un choix efficace pour étudier l’espèce. Généralement,deux appareils sont utilisés afin de photographier les deux côtés de l’animal (exemple Fig.11, cliché 4). Les images ainsi capturées permettront d’identifier les lieux fréquentés par les panthères mais surtout d’estimer leur nombre sur un territoire donné. En effet, les individus sont identifiés grâce aux patterns de pelage qui sont propres à chacun. Pour que le pelage des panthères des neiges soit reconnu tel une empreinte digitale à part entière, il serait intéressant de mettre en place un projet qui combine piégeage photographique et relevé de poils. Si la récupération de données génétiques correspond à des photos de profil de l’animal, il est possible d’établir un lien entre les caractéristiques de la fourrure et l’individu en lui-même. Il serait ainsi possible de prouver que la position et la forme des taches (ou rayures) est bien propre à l’individu et, donc, qu’il est possible d’identifier un animal uniquement grâce à sa fourrure. A terme, il serait possible et très intéressant de rechercher s’il existe un lien de parenté visible sur le pelage !


Figure 1 et 2. Exemple d’identification de deux individus différents basée sur les patternes de pelage.
Les cercles indiquent les caractéristiques utilisées pour l’identification. Le nombre de caractéristiques varie selon la position du corps de l’animal (Snow Leopard Conservancy, 2005)
.

Il y a plusieurs facteurs à prendre en compte lors d’une surveillance par piège-photographique : la taille de l’aire d’observation, la localisation des lieux de passage de la population étudiée, la période de temps nécessaire pour conduire l’étude, la position des appareils, le nombre nécessaire... Voici ce qui doit être étudié avant de s’aventurer en montagne avec tout le matériel :
a) Localiser les meilleures routes de passages des panthères des neiges et choisir celles que l’on va privilégier pour l’étude.
b) Déterminer la position des appareils photographiques (faire des tests préalables pour voir quel angle offre la meilleur prise de vue)
c) Tester le bon fonctionnement du matériel et estimer le planning des observations en fonction de facteurs tels que l’autonomie en batterie, la capacité de la mémoire, la distance à parcourir...
d) Informer les habitants du travail en cours pour éviter toute dégradation ou vol du matériel.


Installation d’un piège photographique lors de l’expédition de juillet 2022 au Kirghizistan, crédit : Stéphanie Philippe

Il est également important de bien appréhender les déplacements des panthères et leur comportement pour arriver à un piégeage efficace. Les individus des deux sexes laissent énormément de traces sur des promontoires où les chances de rencontre entre deux individus sont élevées. Jackson (1996) rapporte que les Panthères des neiges privilégient les bords de falaises, le sommet des crêtes ou les vallées étroites et encaissées. Plusieurs individus visitent, partagent et marquent les mêmes endroits tout au long de l’année avec une fréquence accrue pendant la période d’œstrus (lorsque les femelles deviennent fécondes) de janvier à début avril. Ces endroits seront donc des cibles idéales pour poser des pièges-photographiques. Il est recommandé de poser les pièges à environ 3 mètres de l’endroit où l’on a trouvé une trace car les panthères viennent souvent tourner autour des traces laissées par leurs congénères. L’appareil doit reposer à 30-50 cm du sol pour une bonne prise de vue avec une angle de 45° par rapport au chemin que l’on estime que la panthère emprunte.


Figure 3. Exemple de disposition du piège-photo

Même si les routes de passage des panthères des neiges sont bien définies, l’habitat escarpé et l’absence de réseaux routiers étendus contraignent l’accès aux panthères. Il ne sera donc pas toujours possible de poser des pièges-photo à très haute altitude loin des habitations bien que ce soit l’emplacement idéal. De même, le territoire couvert par les caméras ne pourra pas être aussi étendu qu’on le voudrait car il est essentiel de pouvoir retrouver rapidement et facilement les pièges entre deux sessions afin de les déplacer sans interrompre la continuité du piégeage. Les périodes de grands froids que l’on retrouve souvent en haute altitude, sont l’une des autres contraintes liées à ces pièges photographiques. Le froid vient endommager les batteries et les piles, limitant ainsi leur autonomie prévue (voir l’article sur les pièges photographiques : https://www.osi-perception.org/Le-p... ) .

Malgré toutes ces contraintes, on a des chances de capturer des images de panthères si les appareils sont placés intelligemment. Dans un habitat de bonne qualité, on estime qu’il faut idéalement deux pièges photographiques (un piège = un détecteur et deux appareils photos pour prendre les deux côtés de l’animal) tous les 5 km2. Les deux pièges doivent être éloignés d’au moins un kilomètre l’un de l’autre. Mais il est inutile de mettre deux pièges sur une même cellule lorsque celle-ci ne présente qu’un seul site favorable.

Il faut en moyenne 15 pièges pour surveiller une zone de 100 km2. Il est possible de poser deux à trois pièges-photo par jour lorsque la distance n’est pas trop éloignée du camp de base.. Si la zone géographique étudiée est favorable, une période de trois à cinq jours peut suffire pour capturer une image. Sinon il faut laisser le piège en moyenne quatre à sept jours avant de récolter une photo (Jackson et al., 2005). Dans le cadre de notre programme et avec les avancées technologiques (les appareils ne sont plus détectés par la faune), nous laissons les pièges photographiques à l’année sur un même lieu. Nous pouvons par la suite réaliser de courtes vidéos, qui reprennent l’ensemble des clichés obtenus par le piège photographique sur plusieurs jours, semaines ou mois.


Quelques clichés réalisés par piégeage photographiques, de jour comme de nuit, lors de l’expédition 2022, dans de réserve de Sarychat-Ertash (Kirghizstan), OSI-Panthera

Grâce au piégeage photographique nous avons eu la chance d’immortaliser un accouplement de panthère des neiges (ce qui est très rare), le lien pour visionner la vidéo :

3. Conclusion

Les méthodes décrites ici sont actuellement les plus efficaces pour étudier les panthères des neiges de façon non invasive, mais celles-ci nécessitent beaucoup de rigueur et de volonté de la part des participants. Il est très important de prendre le temps d’écouter et d’essayer de comprendre les pratiques mises en place par ces populations locales.

Ce travail d’équipe exige patience et organisation et ne peut être couronné de succès qu’à la condition de collaborer avec les populations locales. Les relations entre la Panthères des neiges et les éleveurs sont parfois assez délicates. Ce félin vient parfois attaquer leurs troupeaux, entraînant parfois des représailles de la part des éleveurs qui tentent de piéger et d’empoisonner cette dernière. Par ailleurs, ils ont une très bonne connaissance des lieux de vie de cette dernière, ce qui peut s’avérer être d’une grande aide pour le pistage. La Panthère des neiges est un animal qui reste à l’écart de l’homme, elle attaque seulement le bétail lorsque l’opportunité se présente (quand le troupeaux est laissé sans surveillance). Il est donc important d’aider à l’amélioration des relations entre ce félin et les éleveurs, qui restent dépendant financièrement de leurs troupeaux. Il est important de communiquer avec eux sur le comportement de la Panthère des neiges et les encourager à repenser cette animal comme une espèce à forte valeur écologique et qui peut potentiellement les aider financièrement (via le tourisme durable).Les populations locales peuvent également être mises à contribution pour poursuivre le pistage le reste de l’année et enrichir continuellement la base de données sur les panthères des neiges. C’est donc grâce à cette coopération, qu’une protection efficace pourrait être mise en place en alliant les intérêts des populations locales et la nécessité de préservation de la Panthère des neiges.

Article écrit le 6 avril 2011 par : Anne OUVRARD (Ancienne Responsable du Programme PANTHERA) et Jerome MATHEY (Conseiller Sciences et Pédagogie)
Mis à jour en janvier 2023 par : Lilly Sauveterre

4. Bibliographie

Ahlborn, G.A. and Jackson, R.M., 1988. Marking in free-ranging snow leopards in west Nepal : a preliminary assessment. P25-49 in H. Freeman (ed). Proceedings 5th International Snow Leopard Symposium. October 1986, Srinagar, Jammu, and Kashmir, India. International Snow Leopard Trust, Seattle and Wildlife Institute of India, Dehradun, India. 269 p.

Jackson, R.M., 1996. Home range, movements and habitat use of Snow leopard (Uncia uncia) in Nepal. Ph.D. Thesis, University of London, England. 233 p.

Jackson, R. and Hunter, D.O., 1996. Snow leopard survey and conservation handbook. International Snow Leopard Trust, Seattle, and U.S. Geological Survey, Biological Resources Division, 154 p.

Jackson, R.M., Roe, J.D., Wangchuk, R., Hunter, D.O., 2005. Surveying Snow Leopard population with emphasis on camera trapping : A handbook. The Snow Leopard Conservancy, Sonoma, California. 73 p.

Karanth, K.U., 1995. Estimating tiger (Panthera tigris) populations from camera trap data using capture-recapture models. Biological Conservation 71 (3) : 333-338.

Karanth, K.U. and Nichols, J.D., 2002. Monitoring tigers and their prey : a manual for researchers, managers and conservationists in tropical Asia. Centre for Wildlife Studies, Bangalore, India. 193 p.

Mackenzie, D.I., Nichols, J.D., Lachman, G.B., Droege, S., Royle J.A. and Langtimme C.A., 2002. Estimating site occupancy rates when detection probabilities are less than one. Ecology 83 (8) : 2248-2255.

Mackenzie, D.I., Nichols, J.D., Hines, J.E., Knuston, M.G. and Franklin, A.D., 2003. Estimating site occupancy, colonization and local extinction when a species is detected imperfectly. Ecology 84 : 2200-2207.

Sanderson, E.W., Redford, K.H., Chetkiewiez, C.B., Medellin, R.A., Rabinowitz, A.R., Robinson, J.R. and Taber, A.B., 2002. Planning to save a species : the Jaguar as a model. Conservation Biology 16 (1) : 58-72.

Notes:

[1Malheureusement dans ces régions on peut difficilement se procurer une carte aussi précise. Cependant les images satellites et des cartes de 1:100 000 développées durant l’ex Union Soviétique sont disponibles pour certains pays sur internet (pour les cartes : www.terrainmap.com/newsinfo.html ou http://www.cartographic.com/help/re... et pour les images satellites : Earthsat www.mdafederal.com , Earth Explorer map service http://edcsns17.cr.usgs.gov/EarthEx... , Spot Image Corporation www.spot.com/html/SICORP/401.php ).

A voir aussi



Nos partenaires

Voir également